Quel est l'avis des philosophes et des théologiciens?

     Aujourd'hui nous avons fait la découverte d'un document très intéressant et avons décidé de vous le partager. Il va fortement nous éclairer dans la réponse à la question du statut des jumeaux siamois que nous nous posons. En effet, nous allons vous faire part d'un livre intitulé "Monstre et imaginaire social : approche historique" rédigé par Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini en 2008. Au chapitre appelé "La monstruosité, définition juridique et enjeux éthique". Les deux auteures de cette œuvre se sont interrogées sur "le baptême et le mariage des jumeaux siamois" titre de l'extrait.  Pour répondre à cette question elles vont discuter du statut des jumeaux siamois et faire ainsi appel aux pensées de philosophes très connus comme Aristote. En voici un extrait :

"[...] Aristote considère le cœur comme l'organe principal, qui contrôle non seulement les veines et les artères, mais aussi la sensation et le mouvement (alors que Galien et avec lui la majorité des médecins médiévaux voient le cerveau comme l'organe de la pensée et de la sensation). Si les jumeaux siamois ont deux têtes, deux cous et deux poitrines, on peut être sûr qu'ils ont également deux cœurs et on peut alors les baptiser sans réserves comme deux personnes. Mais si les deux têtes s’enracinent dans un seul cou, la situation est plus délicate."

    Ici, Aristote, philosophe grec, introduit l'ancienneté de la question que nous nous posons. Il est né en 384 av. J-C, il y a des milliers d'années. Aristote va exprimer une thèse. Pour cela il s’appuie sur l'organe du corps humain qui est pour lui primaire, le cœur : "Si les jumeaux siamois ont deux cœurs on peut alors les baptiser comme deux personnes". Par conséquent Aristote pensait que les jumeaux siamois ayant deux cœurs sont deux personnes avec deux âmes.


      Puis, Anna Caiozzo et Anne-Emmanuelle Demartini font appel à la scolastique ( issue du latin qui signifie  « école »), c'est la philosophie développée et enseignée au Moyen Age dans les universités : elle vise à concilier l'apport de la philosophie grecque (particulièrement l'enseignement d'Aristote) avec la théologie chrétienne. De ce fait, on peut dire qu'elle est un courant de la philosophie médiévale. Voici l'extrait :


"[...] Les scolastiques combinent souvent cette approche anatomique avec un argument plus fonctionnel, en renvoyant aux comportements, émotions et volontés opposés des deux jumeaux. Parfois, l'un rit, alors que l'autre pleure; l'un dort, alors que l'autre veille; l'un veut être chaste, alors que l'autre aspire à des rapports sexuels; l'un peut être affecté d'une maladie mentale et pas l'autre. L'indépendance des jumeaux est encore confirmée par le fait que le décès de l'un ne conduit pas immédiatement à la mort de l'autre, mais seulement après quelques jours, avec la puanteur du cadavre."

     L'argument des scolastiques est plutôt lié au comportement. C'est à dire, observer les émotions et les volontés qui sont différentes chez chacun des jumeaux. Et en conclure sur le nombre d'être humain.

     Ensuite, les auteurs font référence au point de vue de Pierre de La Palud, un théologien du XIVIème siècle. Lui, ne s’appuie pas sur un seul organe comme Aristote mais sur l'ensemble de l'anatomie humaine. Voici l'extrait concerné :

"Au début du XIVe siècle, le dominicain Pierre de La Palud cite l'argument anatomique comme l'opinion commune, mais lui préfère une autre approche. Pour conclure à la présence de deux personnes, il suffit de trouver une zone sensible sur le corps dont la stimulation ou la blessure est ressentie par l'une des têtes seulement. Si cela est le cas, les corps ne forment pas un ensemble continu, mais sont contigus comme le fœtus dans le ventre de la mère. Approche subtile, qui permet en même temps de résoudre le problème de la coexistence de deux âmes dans ce qui semble une seule matière, mais sans grande pratique.[...]"

     Selon Pierre de La Palud, pour pouvoir déterminer si les jumeaux siamois ont une ou deux âmes, il suffit qu'une blessure soit ressentie par une seule tête.

     Revenons à nos différents cas proposés dans l'article précédent. Les trois théories énoncées par Aristote, de La Palus, et les scolastiques donnent une sorte de réponse à notre interrogation. En effet, Abigail et Brittany ont deux cœurs et, leurs cerveaux n'étant pas reliés, lorsqu'une partie de leur corps est atteinte, seulement la jumelle dont la partie est concernée ressent le traumatisme. Pour Tatiana et Krista Hogan c'est différent, puisqu'elles sont reliées par le cerveau, ils s’entremêlent. On a pu voir que lorsqu'une est triste l'autre l'est aussi. Les émotions sont ressenties par les deux. On en conclu que, selon La Palud et les scolastiques, elles seraient en réalité une seule personne possédant une seule âme. Dernier cas, celui des sœurs siamoises nées en Inde. Elles possèdent qu'un seul cœur dans un seul système circulatoire. D'après Aristote ces sœurs n'ont qu'une âme et par conclusion ne sont qu'un être humain.





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